Sept clins d'oeil à Saint Joseph (1,2,3)

La fête de saint Joseph approche. Nous vous proposons de nous y préparer pendant les sept dimanches qui précèdent en découvrant les « sept clins d’oeil à saint Joseph », écrits par l’abbé Fernandez. Un parcours illustré par des mosaïques et peintures du Ve au XVIIe siècles.

1. Gardien du sanctuaire.

L'annonce de l'ange à Joseph - Anonyme, mosaïque de la basilique Sainte-Marie-Majeure (Ve siècle), Rome.

L'ange évangélise Joseph sur la naissance du Messie. Le bâton orné d'une fleur, à l'instar de celui du grand prêtre Aaron, est un symbole éclairant. Le cardinal Ratzinger le rappelait en 1995. « Portant un bâton fleuri, saint Joseph est présenté comme grand prêtre, comme archétype de l'évêque chrétien. Marie, elle, est l'Église vivante » (Dieu nous est proche. L'Eucharistie au cœur de l'Église, Parole et Silence, 2003, p. 15).

Dans l'imposant arc triomphal de la basilique romaine Sainte-Marie Majeure, une séquence de mosaïques, datée du Ve siècle, résume l'enfance du Christ ; Joseph, recevant l'annonce de l'ange devant le sanctuaire (image de Marie), est représenté avec ce bâton fleuri, que la Torah attribue au frère de Moïse et les évangiles apocryphes à l'époux de Marie. La fleur indique la grâce de l'élection divine, qui garantit l'espérance des fruits éternels (Nombres 17, 20 et 23). Le sacerdoce israélite faisait partie de ces dons féconds ; à bon escient, la tradition juive avait associé le bâton fleuri d'Aaron avec le Saint des Saints et l'Arche de l'Alliance. Le Messie promis était le don définitif ; sur le « rejeton de Jessé » (Isaïe 11, 1) reposera l'Esprit. Le christianisme primitif, dans le Protoévangile de Jacques (chap. 9), applique cette prophétie à Joseph, à propos de la légende sur son choix comme époux de la Vierge Marie. Par la suite, de Padoue à Istanbul, l'iconographie médiévale a maintenu le même motif, emprunté dès lors à la Légende Dorée. Le lys dans la main de Joseph, signe de sa chasteté fidèle, est plus tardif.

« Joseph est le rejeton fertile… il étend ses branches » (Genèse 49, 22), prédit la bénédiction ancienne. Saint Josémaria notait : « Joseph, en hébreu, signifie Dieu ajoutera. Dieu ajoute à la vie sainte de ceux qui accomplissent sa volonté des dimensions insoupçonnées : l'important, ce qui donne valeur à toute chose, le divin. À la vie humble et sainte de Joseph, Dieu ajoutera, si je puis dire, la vie de la Vierge Marie et celle de Jésus notre Seigneur » (Quand le Christ passe §40). Il a été choisi pour préparer le sacerdoce et la royauté du Messie ; patriarche au seuil de la Nouvelle Alliance, Joseph est comme un symbole vivant de la plénitude de Jésus. Chef de la nouvelle famille des enfants de Dieu, Joseph administre les « prémices du salut » (Missel Romain, messe, 19 mars) : il fait grandir Jésus en corps et âme, ainsi que toute la famille ecclésiale.

La Sainte Famille était déjà une Église domestique : dans ce noyau embryonnaire, plein de vitalité spirituelle, se trouvaient les éléments essentiels. Jésus est nourri, tout en étant la source de vie ; Marie est l'accueil maternel ; Joseph, le guide paternel par adoption. Sans être apôtre ni prêtre, il anticipait le ministère pastoral et sacerdotal. « Joseph, le juste, est appelé à être l'intendant des mystères de Dieu, père de famille et gardien du sanctuaire qu'est la Vierge et du Logos en elle. De cette manière, il devient l'image de l'évêque à qui la fiancée est confiée » (J. Ratzinger, ibid.). Joseph veille sur le Corps du Christ et sur ses pasteurs. Nous lui confions la personne et les intentions du pape et de ses collaborateurs.


2. Joseph, vraiment indigne ?

Joseph accueille Marie chez lui - Alexandre Tiarini (école bolonaise, 1619), Louvre

« Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse » (Matthieu 1, 20). Joseph a ressenti certainement une grande frayeur devant la mission inouïe que Dieu, sans lui demander son avis, lui proposait.

Joseph apprend que sa fiancée est enceinte. Nous ne savons pas si ce fut un simple constat, quelques mois après l'Annonciation, ou une confidence livrée de bonne heure par Marie. De nos jours, sur la base de la tradition, on penche plutôt pour la deuxième réponse (P. Rodriguez, édition critique de Saint J. Escriva, « Saint Rosaire », 2010).

Dans le passé, certains ont pensé que Marie avait gardé le silence et que Joseph s'était étonné de la grossesse inattendue de la Vierge.

Il y en a qui envisageaient même une tentation de doute de la part du saint patriarche, ce qui est tout à fait à exclure, puisque l'évangile souligne le lien entre la « justice » de l'époux et sa décision de s'éloigner, comme autrefois l'avait imploré Jérémie.

Joseph entrevoyait l'origine miraculeuse de la grossesse et, devant ce prodige messianique prédit par Isaïe, il se sentait indigne d'en partager la merveille. Comment le Fils Souverain pourrait-il avoir un père adoptif ?

L'intervention de l'ange le rassure : Dieu le Père a besoin de toi pour son Fils. Docile, malgré la surprise, Joseph reçoit effectivement Marie comme épouse chez lui.

L'art chrétien a imaginé la scène, au moins une fois. L'un des maîtres du baroque italien, Alessandro Tiarini, avait composé, en 1619, pour l'église des Mendiants de Bologne une toile monumentale (plus de 6 mètres carrés) intitulée « Le repentir de Joseph ». Suite au sévère traité de Tolentino (1797), après la première campagne d'Italie, le tableau peut être admiré au Louvre.

Marie domine la rencontre indiquant, d'un geste délicat, que le mystère de sa maternité vient d'En Haut ; aux portes de la maison, Joseph s'agenouille humblement devant l'Épouse virginale : il la supplie d'accepter sa compagnie. Les anges encouragent le couple donnant des signes d'admiration et de joie.

La tâche qui attend Joseph est inattendue, immense, imméritée. La grâce en sera proportionnée.

Joseph a ressenti vivement ses limites : comme Jean le précurseur, qui n'osait même pas toucher les sandales du Messie ; comme le centurion païen, déclarant sa maison impropre à l'accueil du Sauveur ; comme Paul, élevé, en un clin d'œil, de l'incrédulité à la dignité d'apôtre…

— Certes, je ne suis pas digne de telle mission mais, par cet aveu franc, Dieu me rend digne. Il sait choisir les humbles. Malgré mes limites, Dieu veut « avoir besoin » de moi pour protéger et le Messie et la Mère. Celui qui m'a choisi me soutiendra dans ta tâche. Comme l'annonçait le Psaume, il me conduira par sa main droite. Ensemble, nous parcourrons la voie du sacrifice heureux.


3. Joseph admiratif.

La présentation de Jésus au temple - Rembrandt van Rijn (Hollande, 1628), Hambourg

L'évangile de saint Luc, dans ses récits sur l'enfance du Christ, note à trois reprises que Marie et Joseph ont été frappés d'admiration : après la visite des bergers à Bethléem (Luc 2, 17), dans le rite de la présentation au temple (2, 33) et enfin, encore à Jérusalem, lorsqu'ils retrouvent Jésus, âgé de douze ans (2, 48). Ils ont découvert de nouveaux horizons dans le parcours terrestre du Fils de Dieu.

On est ébahis devant ce qui dépasse notre compréhension ou nos attentes, notamment devant la grandeur des œuvres et des paroles de Dieu.

Lorsque Dieu se manifeste à travers les gestes humains de son Fils, on ressent la grandeur de Quelqu'un qui s'approche de nous et cherche notre réponse ; il a le droit de nous demander la foi amoureuse, sans nous écraser par sa présence.

Rembrandt van Rijn, dans sa jeunesse (1628) a peint une présentation de Jésus au temple, qui est exposée à Hambourg. Il a su exprimer l'admiration de l'une des protagonistes de l'épisode : la prophétesse Anne. Une dame âgée, forte dans son espérance, avec une longue expérience dans la méditation des prophètes, de la patience et des souffrances de son peuple. Finalement, elle découvre le Messie attendu. Le visage d'Anne, sciemment éclairé dans le tableau du Hollandais, rayonne la paix, comme reflétant la lumière de la foi. Elle a vécu dans l'attente; désormais elle est comblée par la contemplation du visage du Sauveur.

Le Messie, enfant, présenté à la Maison du Père, comme tous les premiers-nés, prend possession des âmes. Siméon et Anne, témoins de l'ancienne alliance se joignent, dans l'adoration ravie, au couple de Bethléem.

L'itinéraire spirituel de Joseph a eu sans doute une intensité d'admiration encore plus grande. La tradition l'a perçu avec netteté. De nos jours, saint Josémaria commentait : « Pour saint Joseph, la vie de Jésus fut une continuelle découverte de sa propre vocation... Joseph est surpris, il s'étonne. Peu à peu, Dieu lui révèle ses desseins, et il s'efforce de les comprendre. Comme toute âme qui veut suivre Jésus de près, il découvre tout de suite qu'il n'est pas possible de marcher avec nonchalance, qu'il n'y a pas de place pour la routine. S'arrêter à un certain niveau et se reposer sur ses lauriers ne satisfait pas Dieu » (Quand le Christ passe, n° 54).

Joseph, toujours en éveil, garde son âme jeune pour apprendre.